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    22 février 2016

    Roman graphique sans doute plus que bande dessinée, disons qu'Étienne Davodeau écrit et dessine là un reportage sur quarante années de vie de ses parents entre le début des années 40, leur naissance jusqu'à 1981, le 10 mai pour être plus précis jour de l'élection de François Mitterrand à la présidence de la république. Né un an après Étienne Davodeau, j'ai vécu un peu les mêmes choses que lui : éducation religieuse à l'ancienne, culpabilisante et totalement archaïque mais qui marquait de manière forte les enfants impressionnables, communion, et tout le toutim... Et comme lui, je m'en suis sorti, ouf, moi, maintenant, je serais plutôt du genre athée-bouffeur-de-curé, mais avec le respect de ceux qui croient pourvu qu'on ne m'emmerde pas avec ce qui est de l'ordre du privé. Je connais bien la JOC pour en avoir fait partie, c'était plutôt le côté copains qui m'intéressait, je séchais beaucoup les réunions où l'on réfléchissait sur l'importance de la religion. J'ai grandi comme Étienne Davodeau dans un milieu ouvrier, avec la grande différence d'habiter une grande ville donc moins soumise aux diktats de l'Église. Mais mes parents qui étaient instituteurs dans des écoles privées dans la campagne de Loire Atlantique jusque dans les années 60 m'ont raconté bien souvent des choses similaires à celles qu'ont vécues Maurice et Marie-Jo. C'était très mal vu à l'époque de militer, surtout à gauche. Les patrons étaient bien bons d'offrir du travail aux gens de la région et encore meilleur de les payer alors il ne fallait pas trop la ramener. La couverture de l'ouvrage est très symptomatique : les mauvaises gens entre l'église et l'usine, les deux grandes forces de l'époque, l'une prétendait diriger les vies professionnelles et l'autres les vies privées et spirituelles. Alors quiconque se levait contre l'une se mettait l'autre à dos avant que n'arrive dans ces communes des prêtres-militants, ceux qui ont permis aux jeunes de militer à la JOC et de se libérer de leurs carcans. Car il faut bien le reconnaître et "Dieu me crapahute" comme disait Pierre Desproges, c'est quand même grâce à ces jeunes prêtres qui se sont rapproché des ouvriers et qui pour certains en sont devenus que la jeunesse ouvrière s'est ouverte à la modernité.

    Un roman graphique important pour ne pas oublier ce que firent nos parents pour s'émanciper de la double religion église-usine. Les luttes syndicales ont permis tellement d'avancées sociales qu'on a sans doute oublié qu'elles étaient d'abord menées par des hommes et des femmes comme les autres avec peut-être un peu plus de convictions ou d'envies de les partager et d'en faire profiter les autres.